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La CNIL dévoile comment les trackers publicitaires tissent leur toile sur le Web

Les data scientists de l’autorité française ont analysé les accords commerciaux qui lient de nombreux sites web français et les plates-formes publicitaires. Spoiler : c’est pire qu’un plat de spaghettis.

Quand on visite un site web, on le sait, on n’est jamais tout seul. A chaque connexion, il y a parfois des dizaines de plates-formes publicitaires qui nous regardent par dessus l’épaule afin de vendre de la réclame. Mais qui sont ces acteurs, combien et où sont-ils ? Le Laboratoire d’innovation numérique de la CNIL (Linc) vient de publier une étude qui permet de visualiser les liens complexes qui unissent les éditeurs, les plates-formes publicitaires et leurs éventuels intermédiaires.

Ce travail s’est appuyé sur l’exploitation des fichiers ads.txt et sellers.json, qui sont accessibles sur les sites respectivement des éditeurs et des plates-formes. Les premiers indiquent avec quels prestataires publicitaires travaillent les éditeurs. Les seconds indiquent les partenariats que les plates-formes ont noués entre-elles. Ces fichiers existent car ils permettent de lutter contre la fraude publicitaire, un fléau qui prend de plus en plus d’ampleur. L’avantage, c’est qu’ils apportent par contrecoup un peu de transparence dans cette activité plutôt opaque.

38 partenaires publicitaires en moyenne par site

Le résultat est assez frappant et montre à quel point le business de la publicité en ligne est devenu un maquis quasi impénétrable. Tout d’abord, on remarque que les sites web français travaillent en moyenne avec 38 plateformes publicitaires. Le maximum observé est 189 chez scan-manga.com, ce qui génère donc autant de mouchards que l’on traîne derrière soi à chaque clic effectué. La presse en ligne et les sites de divertissement sont particulièrement friands de ce type d’accords : 148 pour jeuxvideo.com et pour allocine.fr, 136 pour lemonde.fr, 135 pour universfreebox.com, 133 pour jeanmarcmorandini.com, 130 pour beinsports.com, 118 pour marieclaire.fr. Quant à 01net.com, nous comptons 69 partenaires.

CNIL/LINC – Nombre de plateformes publicitaires partenaires

Certaines plates-formes publicitaires sont plus présentes que d’autres. Google, évidemment, est intégré dans plus de 97 % des 400 sites les plus populaires du web français, suivi par AppNexus, Rubicon, OpenX et PubMatic. Mais que l’on soit très présent ou non n’est pas finalement pas très important, car ces acteurs nouent également des accords entre eux. Ainsi, l’espace publicitaire d’un éditeur n’est pas forcément vendu directement par l’un de ses partenaires, mais peut transiter par un ou plusieurs intermédiaires, en fonction de l’offre et de la demande. Grâce à ces accords croisés, les plateformes les plus importantes arrivent à finalement toucher plus de 200 000 éditeurs, soit la quasi-totalité des sites web français.

CNIL/LINC – Dans la pub en ligne , on est tous des amis

C’est bien pour le business, mais côté transparence, ce n’est pas terrible. Les données publicitaires — anonymes en théorie — circulent ainsi de main en main sans que l’on sache vraiment par où elles sont passées ni comment elles sont traitées. L’exemple de lefigaro.fr est assez parlant. On y distingue jusqu’à huit niveaux d’intermédiation.

CNIL/LINC – Le labyrinthe des données publicitaires

Pour les chercheurs de Linc, la conclusion est sans appel. Un tel système est finalement incompréhensible, tant pour les internautes que pour les éditeurs, qui sont incapables de savoir ce qui se passe vraiment. « Même les éditeurs qui font le choix de n’autoriser qu’un nombre limité de régies publicitaires sur leurs domaines exposent potentiellement les données de leurs utilisateurs à de nombreux tiers, ces données accompagnant la plupart du temps la mise en vente d’espaces publicitaires dans le cadre de la publicité ciblée », soulignent-ils. Reste à savoir si un autre système est possible, et si oui comment le mettre en place.

Source: CNIL

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Gilbert KALLENBORN